Il y a un petit détail de la vie quotidienne abidjanaise dont je voudrais vous faire part.
- La façon de décrocher le téléphone. -
C'est incroyable mais même dans les gestes les plus insignifiants de la vie quotidienne, on peut noter énormément de divergences entre nos cultures.
Décortiquons un peu la façon de faire chez les blancs. On se précipite sur son téléphone portable dès que la sonnerie retentit, et on décroche immédiatement pour dire un truc du genre "allô". La sonnerie est parfois folklorique mais depuis quelques années on préfère souvent mettre le vibreur, ou à défaut une sonnerie sobre.
Or, chez nos confrères ivoiriens adeptes de la téléphonie sans fil, le rituel est tout autre. D'abord on paramètre son téléphone non pas sur le mode silencieux, pas non plus sur le mode "normal" mais sur le mode "bruyant", "alerte rouge", "attaque nucléaire" ou similaire. Le mode vibreur ne doit pas exister ici ou alors être proscrit sous peine d'amende.
Puis dès que retentissent les premières notes de la 40ème symphonie de Mozart version gémissement électronique en solo d'un nokia bas de gamme enroué, le temps semble se figer. Chacun porte le regard sur le propriétaire du téléphone cellulaire (comme on aime les appeler ici), qui lui ne bouge pas d'un cil pendant 4 sonneries, ou disons 15 secondes. Ces 15 secondes durent une éternité et créent une tension dans la pièce. Début de stress pour les tympans. Une fois les 4 sonneries passées, le destinataire du coup de (sans) fil, sans complexe et d'une manière très décontractée, pose lentement le regard sur son téléphone afin d'y déchiffrer à l'écran celui (ou celle) qui tente de le joindre. Ce geste dure 2 sonneries d'attente exactement. Sachant que même s'il attend l'appel d'un ami, même si on est en situation d'urgence, il faudra laisser s'écouler ce laps de temps.
Enfin, quel que soit le nom de l'appelant ou le numéro qui s'affiche à l'écran, l'initiateur de toute cette agitation consent à décrocher et faire cesser cette lente agonie pour nos petites oreilles.
La vie peut désormais reprendre son cours.
Voilà pourquoi quand vous appelez un ami, un collègue, ou un proche, il y aura toujours ces 6 sonneries d'attente minimum avant que votre interlocuteur ne décroche.
Sachant qu'on aime bien s'appeler "juste pour dire un bonjour" ou pour des formalités, le téléphone sonne très souvent ici. Mais le plus intéressant reste quand même lors des réunions en entreprise où chacun peut de répondre sans quitter la pièce, là où le mode vibreur pourrait faire tant de bien...
Je n'ai jamais vu quelqu'un raccrocher au nez de son interlocuteur ou ne pas répondre. Il n'est jamais importun d'appeler, ni de décrocher, et ce, quelle que soit la situation.
Enfin, une autre particularité du téléphone, mais le fixe cette fois-ci ;à plusieurs reprises, j'ai constaté que le moment de décrocher le téléphone était important. Ainsi on privilégie de décrocher le combiné pendant une phase de sonnerie et non pas pendant le silence qui les sépare...
mardi 8 septembre 2009
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