Ici, en CI le football, c'est la vie.
- Un bref retour dans le temps. -
Un bordel monstre dans les rues d'Abidjan. Mieux que la coupe du monde 2006 ou France 98, des enfants partout dans les rues. La Côte d'Ivoire vient de se qualifier pour les quarts de finale de la CAN (Coupe d'Afrique des Nations). C'est l'hystérie collective.Heureusement, nous sommes un vendredi soir. Comme me le confie un ami qui bosse dans la brasserie locale : "pendant le match tout le monde boit de la bière donc c'est bon pour nous. Mais ensuite tout dépend du score : si les éléphants perdent, on s'arrête de boire. Mais s'ils gagnent, on boit après le match, et c'est carton plein. A fortiori quand on est au début du week end, et qu'on a prévu de se lever tard samedi c'est tout bénéf."
En ce vendredi, mon entreprise (comme tant d'autres) a aménagé ses horaires pour que ses employés puissent regarder le match chez eux. Cela signifie, une courte pause déjeuner et finir une heure plus tôt pour rentrer chez soi.
Nous, on avait décidé d'aller voir la seconde mi-temps dans un maquis, pour l'ambiance.
Des flags sur la table, c'est de rigueur.
Remise en situation : la côte d'Ivoire doit absolument gagner pour être qualifiée. Elle mène 1 but à 0 face aux ghanéens, qui se montrent de plus en plus offensifs et déterminés à recoller au score. D'ailleurs ils se créent de plus en plus d'occasions. Mais voilà que sur un coup franc SUPERBE (il n'y a pas d'autre mot) en pleine lucarne Tiéné vient porter à 2 le compteur ivoirien. C'est la liesse dans le maquis.
La clameur finit par diminuer. On boit tranquillement notre breuvage en se contentant de ce score. Mais il manque encore une chose pour que chacun soit heureux : un but de Dieu en Personne ici : Didier DROGBA. Il y a d'abord un grand cri de joie dans le bar quand rentre sur le terrain : un certain Kader KEITA. Lui aussi ça doit être une star, au vu de sa popularité. Et justement, vers la fin du match il fait son chaud et son show le Keita, il dribble un, puis deux, puis trois ghanéens, il se casse la gueule par terre, se relève dribble encore, on dirait que la balle est collée à ses pieds. Tout le monde est en transe dans le flagodrome ça crie ça hurle. Keita se retourne fait le foufou puis amorce un tir en hauteur au niveau du but ghanéen ... repris de la tête par DIDIER DROGBA... qui trompe le gardien et c'est le but. Je vous laisse imaginer l'état de nos oreilles après pareille démonstration.
Là. tout s'enchaîne en un clin d'oeil. Les enceintes, au lieu de cracher des commentaires inaudibles et assourdissants diffuse de la musique et tout le monde se met à danser !! alors que le match n'est même pas fini. (bon, c'est vrai qu'à 3 - 0 on peut avouer que c'était plié mais quand même). Le pénalty pour le Ghana est complètement anecdotique. De toute façon il y avait encore un mec devant la télé quand ça s'est passé.
Baignés par l'euphorie, nous sortons rejoindre nos véhicule. Quel spectacle !!! Du jamais vu. TOUT LE MONDE à fond : Sur les bagnoles, sur le capot. 15 mecs sur le taxi. Tout le monde crie, chacun arbore son drapeau ivoirien. Chacun tape dans ses mains, improvise des percussions, danse sans interruption. C'est de la folie simple. Dans ma rue j'ai l'impression que c'est la sortie de l'école : des centaines de gamins courent dans tous les sens. C'est dingue et magnifique. J'entends des détonations (des pétards ? des coups de feu ??). Je mets les warning pour faire comme tout le monde, je roule au ralenti, je sors mon petit drapeau ivoirien, et klaxonne comme un pakistanais [c-à-d beaucoup NDLR]. Arrivé chez moi, je voie mes gardiens super heureux. Il y en a un qui est presque en transe, il a trouvé un sifflet je ne sais où et ne cesse de le faire vriller les tympans de ses voisins.
"Mais, ton gardien, il est burkinabè !" me direz-vous.
C'est tout à fait juste. Et alors a-t-on besoin d'une nationalité pour être heureux ?? Assurément non, car tous les libanais sont en orange blanc vert, de même que moi et beaucoup de monde. En ce vendredi 15 janvier 2010, on est tous ivoirien.C'est dingue de voir comment est vécu le football ici. Plus qu'une passion c'est un mode de vie. En même temps, quand on voit ce qu'est la politique, on comprend que les ivoiriens décident de s'accrocher à quelque chose de plus réel, plus proche d'eux.
Je décris juste ce que j'ai vu vendredi dernier. Et ce n'est qu'une qualification en quart de finale. Je n'ose pas imaginer ce qu'il se passera si le parcours des éléphants se passe bien, voire très bien. La côte d'Ivoire n'a gagné qu'une seule fois la CAN, et c'était en 1992. Il paraît que ça a donné des scènes de liesse populaire pendant des journées entières. Houphouët à l'époque avait même annoncé des jours fériés ! J'aimerais bien voir ça.
Affaire à suivre.... je prends rendez-vous dimanche pour le quart, face à l'Algérie.